Catégorie : PLASTIQUE
Carte Blanche/Noir Palimpseste
avec la présence de
- Grave(s) / Musique d’improvisation avec Fabienne Yvain (clarinette basse), Marthe Vasa (Trombone) et Mélanie Loisel (contrebasse)
- Myriam Lebreton / Improvisation danse contemporaine
- Diantre / Musique d’improvisation avec Sylvain Berton (guitare) et Alain Ribis (piano préparé)
- Clément Darrasse (installation filmique)
- Marilou Turmeau (sérigraphie)
- Continuum / Texte musical et calligraphie orientale avec Martin Delisle (machines), Mélanie Loisel (contrebasse), Marc Vichet (calligraphie) et Fabien Delisle (texte)
MOYD au Prieuré St Cosme
Moyd est le ramassis d’une langue entendue ici et là, au gré d’une marche souvent immobile. Les accents et les répétitions y sont comme dans toutes langues vivantes, mais celle-ci n’a aucune racine d’une historicité plongée dans un territoire, sinon l’imaginaire. Souvent on se surprend à griffonner entre deux gestes de création, et Moyd est né de cette inter-action, s’épaississant comme un livre de consonance. Et puisque la question du récit m’est souvent posé, je décidais très tôt d’y coudre un fil de coton rouge, comme le fil narratif dans la lézarde. Non content d’inscrire de belles lettres, ce nouveau volumen devait révéler sa sonorité. J’ai donc intégré la totalité du texte dans ce « cher » Google Traduction, car la possibilité de lire Moyd semblait impossible, tant les apprentissages culturels font barrage à une lecture spontanée. De plus, la voix synthétique imitant une femme slave, garantit un peu plus encore l’absurdité d’une langue réelle disparaissant tous les quinze jours, remplacée par cette autre langue fabriquée de toutes pièces, traduite par un robot. Pour terminer le cycle Moyd, je m’occupe actuellement de le traduire en français, toujours par le truchement de Google Traduction. Une langue n’ayant aucune réalité à communiquer, et restituant des enfilades algorithmiques. Mon rôle tient par un lien certain à pouvoir lire une matière poétique, car l’enjeu reste celui-là. Défendre cet espace-là.
FD
Extrait sonore de MOYD
NOIR PALIMPSESTE/Photos de Rémi Angéli
Noir Palimpseste, accroché au plafond du réfectoire du Prieuré St Cosme, se balance lentement d’un mouvement qui durera. La main, effleurant la suspente, aura perpétué une inertie d’une heure au moins. L’œuvre que l’on voudrait terminée, n’a pas de fin comme la pensée. Les lignes se sont arrêtées car la pointe d’encre traversait le papier, et c’était une bonne raison de ne pas aller plus loin. Mais pour autant, faut-il imaginer que sans l’auteur, tout se fige. C’est bien l’avantage du véhicule, et de l’œuvre tout court. De courir sans vous. Hier, je me trouvais à filmer des détails de Noir Palimpseste. Un couple tout ému, ne sachant que j’en étais l’auteur, me racontait l’histoire de cette œuvre. J’étais sincèrement captivé par le récit de ce que je n’avais pas encore imaginé. Les lignes avaient donc le pouvoir de dépasser le cadre inscrit. C’est tout ce que j’avais espéré. Je crois.
12 secondes/3 éclats au Phare de la Pietra
Le Phare de la Pietra se situe à Ile-Rousse en Corse. En 2017, à l’invitation d’entreprendre un travail de vidéo-art par l’association « Et pourtant ça tourne », je suis resté une semaine à l’intérieur afin de formuler un imaginaire. Muni de ma caméra et de mon crayon, je constituais une somme d’images et de mots, en sachant qu’à terme, une restitution se ferait sur le phare lui-même. Il est amusant de savoir que le sujet serait projeté sur ses propres murs, que sa surface blanche ne manquerait pas de réfléchir le caractère unique de ce bâtiment et ses environs. À caractère unique, évènement unique, ce travail ne pouvait qu’avoir sa résonance à cet endroit seulement. Et tant pis pour les retardataires ou les malchanceux de l’éloignement, il faut parfois être secret pour se sentir privilégié. Alors les 27 minutes de texte pré-enregistré servaient de structure poétique à toute une articulation d’images mixées en temps réel par un logiciel de V-Jing. Et comme le support pouvait recevoir le flux de deux vidéo-projecteurs, c’est mon amie Linda Calderon qui constituait le second élément du binôme. Une plasticienne en qui j’ai toute confiance pour ce travail sensible. Nous savions tous deux que nous pouvions présenter cent fois cette proposition et que jamais nous ne réussirions à rééditer la chose. Il faut dire que c’est tout ce que nous cherchions. Un geste triturant la matière des bits informatiques, constituant un espace poétique. Puisqu’il s’agit avant tout de cela. Composer un espace poétique, avec la signature du phare de la Pietra, et ses trois éclats en douze secondes.
Fabien Delisle
Photos de
Noir Palimpseste au Prieuré St Cosme
FABIEN DELISLE ET NOIR PALIMPSESTE AU PRIEURÉ ST COSME Photo Clément Darrasse©
Ecrire sans interrompre le flux, durcir le noir et dissoudre le mot. Créer la trame, la texture et faire motif… Se rompre à la tâche, le silence en compagnon, juste l’encre à renifler, racler le papier. Apparaît la pelisse d’une bête, un monstre de pensées immédiates dont le corps se nourrit du geste, et taille de nouveaux reliefs. Une géologie d’écriture fouillant l’antre… Durant plusieurs séances, à différentes saisons, le réfectoire des moines du Prieuré St Cosme est investit pour une performance de signes au long cours débutée cet hiver. Sur un papier long de 10 mètres, large de 2 mètres, lentement le texte se tisse et laisse voir apparaître…
Il faut tenter de nouvelles terres, inventer des espaces où les limites ont peu d’importance. Stratifier la pensée avec une telle épaisseur que le mot ne se dit plus, il se ressent. L’encre coule sans vergogne, sans jugement de la faute ou du style. Le temps s’écoule aussi, défiant l’autre temps qui se perd dans le futile.
Le public peut assister au processus de création au réfectoire, dans le lieu même où Noir Palimpseste sera présenté en novembre 2018.
janvier – février – avril – mai – restitution le 29 septembre jusqu’au 18 novembre 2018
Carte blanche autour de Noir Palimpseste le 18 novembre 2018
Les Iconoclasses à la galerie Marcel Duchamp
Depuis 17 ans, la Galerie Duchamp développe un projet de résidences d’artistes en milieu scolaire baptisé Les Iconoclasses. A partir du mois de janvier 2015, neuf écoles de la région d’Yvetot ont accueilli des artistes, qui ont développé un projet de création personnelle en lien avec les classes partenaires. Les projets de ces artistes ont été exposés dans les écoles participantes en mai/juin. Vous les retrouvez à la Galerie Duchamp pour l’exposition de la rentrée. Artistes participants : Alice Cabrillac / Fabien Delisle / Mathieu Doueznel / Alban Gervais / Fleur Helluin / Akira Inumaru / Anaïs Lelièvre / Hélène Neraud / Renaud Porte.
Le mouvement d’éducation populaire a toujours été une préoccupation au sein de mon art. Que je sois dans un contexte performatif, ou celui de la fabrication plastique, la question du public est une permanence. Non seulement pour celle de la perception de mon travail, mais au sens social et politique de ce que l’artiste doit provoquer au sein d’une communauté. Sans oublier le désir farouche de ces anciens résistants, ayant compris avec violence toute l’importance d’une société éduquée et cultivée. Alors le travail de la Galerie Marcel Duchamp à Yvetot, avec ses Iconoclasses, ne pouvait que résonner en moi et bien plus encore. D’autant plus que cette part de recherche portée par cette galerie, s’inventait directement en milieu scolaire. Pour moi, ce fût à l’école de Mannevillette, dans laquelle une ancienne classe devint mon atelier. J’y ai revêtu des couvertures de goudron, étalé des tas d’anthracite, écrit le long texte de Moyd, dessiné des dizaines de calligraphies également goudronnées, modélisé des images numériques, fabriqué des sténopés, et peut-être et surtout, j’ai discuté avec les enfants et les institutrices sur le processus du geste créatif. Sans oublié que j’ai joué au football, et que ce n’est pas la moindre des activités. Enfin ces instants de vie ont certainement influencé mon langage de création, car je venais aussi pour cela : une perméabilité à un autre milieu que le contexte habituel des ateliers. Il est en fait que l’on m’oppose de plus en plus souvent, la contemporanéité d’une démarche aux « gens simples » (sic). Comme si la pensée ou l’autorisation de penser, avait son seuil, et que les castes des uns n’étaient pas les autres. Je me suis donc réjouis des remarques des enfants lors de leurs visites tant organisées qu’informelles, qui me rappelaient que ma présence n’avait rien d’incongrue, au même titre que les dames de service, les enseignantes, ou la gelée du matin sur le banc. Enfin, je dos réitérer toute ma reconnaissance d’avoir vécu une telle expérience auprès de toutes les personnes de l’école de Mannevillette, mais aussi de rendre grâce à cette initiative des Iconoclasses, qui reste, une véritable réponse à une société qui se veut en devenir.
FD
www.galerie-duchamp.com
MOYD à la Galerie Marcel Duchamp
MOYD
Le Ritmea Pulvis Praxis est le plus petit organisme vivant de l’ordre nominal. Son statut unique d’ignorance de toute autre espèce le rend impossible à voir, sinon d’entendre son existence par un système extrêmement élaboré de pression sonore. La transcription est faite à ce jour par l’unique manuscrit de son langage intitulé Moyd. Effectivement, on lui impute toute la dimension rythmique des paysages, et cette traduction est une langue, un système de césures, des goulets et des passages, des ravines et des étranglements, qui rendent les interstices de silence nécessaires à toute musique. Sa discrétion impose des dispositions techniques d’une ampleur sans égale quant à l’imagination. Même si le sens n’a pas encore été élucidé, la complexité du propos donne à penser qu’il s’agit là d’un rapport tridimensionnel au langage. La profondeur de champ des mots du Ritmea Pulvis Praxis est présentée ici dans sa forme originelle, dans son rendu rédactionnel et sismique. Le lien subsistant tout au long du « récit » n’est qu’un bourdon, une sorte d’écoulement tonal perçu en rouge, aux variations géologiques à consonance unique. Il est à penser que les longues phases migratoires du Ritmea Pulvis Praxis, porté par le vent, aient essaimé dans plusieurs contrées. Il semblerait que des milliards d’autres propositions puissent être envisagées sur des tonalités différentes, et que ce chemin de transhumance soit la véritable ligne centrale des codes d’écriture.